L’Afrique à travers le prisme médiatique

Seul un Africain sur dix peut utiliser Internet pour s’informer, bien loin des possibilités offertent aux Européens (sept sur dix sont connectés). Pourtant le continent africain est à l’aube d’une seconde révolution médiatique, après celle qui a concernée les télévisions mais surtout les radios et journaux il y a 30 ans. Un changement, numérique cette fois-ci, qui n’est pas sans conséquences, notamment quant à l’exactitude des informations qui circulent.

TEXTE : LISA-MARIE CHALMEL, LAURA CORCESSIN ET MAUVE DROUARD, PHOTOS : CC CIFOR et UNP.

Au Cameroun, en 2012 cc CIFOR

« Peut-on apprendre réellement avec la télévision et Internet ? » s’interrogeait le scientifique Joël de Rosnay, spécialiste des technologies avancées, dans la revue Les Dossiers de l’audiovisuel au début des années 2000. De fait, la télévision et Internet sont les deux principales sources d’information en France et en Europe, comme le montre « Les habitudes médiatiques dans l’Union européenne« , Eurobaromètre publié à l’automne 2013. Sur le Vieux Continent 70,5% de la population peut utiliser Internet pour s’informer alors qu’en Afrique cela concerne seulement 9,8 % des habitants (Internet World Stats).

L’Afrique, bientôt connectée comme l’Europe ?

Les médias utilisés changent d’un continent à l’autre donc, comme l’explique le rédacteur en chef du magazine Fragil, Romain Ledroit [par ailleurs intervenant des ateliers journalisme et slam] : « En Afrique le moyen le plus commun pour diffuser l’information est la radio, en France et en Europe le web, la télévision sont tout de même les moyens les plus important ». Selon l’Unesco, en 2012 entre 80 et 90 % des foyers africains avait accès à un poste de radio qui fonctionne. Cependant, dans quelques années, il se pourrait bien que le continent africain rattrape l’Europe, notamment avec la téléphonie mobile, et atteigne le même pourcentage d’utilisation du web.

Au delà de ces chiffres, se pose déjà la question de la nature informations qui circulent en ligne. Des médias émergent d’ailleurs pour y répondre en Afrique. Prenons l’exemple d’Africa Check, « un site créé en 2012 en Afrique du Sud pour tenter de commencer un processus de vérification journalistique de ce qui circule dans l’actualité et les médias« , comme nous l’explique Peter Jones, son directeur publication qui est aussi journaliste à l’AFP.

Quatre permanents plus des journalistes pigistes y travaillent pour vérifier les (vraies/fausses) nouvelles qui circulent dans les actualités africaines. Peter Jones affirme « qu’Africa Check n’est pas un site web comme les autres, les articles n’ont pas besoin de titres accrocheurs, puisqu’ils ne font que reprendre les actualités, ils ne veulent pas vendre l’information ». Ainsi le site se base uniquement sur la vérification de la réalité ou non des faits et aucun article ne peut être censuré, l’ONG gérant le média en ligne étant basé en Afrique du Sud, un des pays ou la liberté de la presse est la mieux protégée en Afrique.

Rumeurs et dramatisation

Un technicien de laboratoire en Sierra Leone cc UNP

Par exemple, concernant le virus Ebola, qui est réapparu en Guinée fin 2013, l’information a très vite tournée au drame mondial alors qu’il a touché près de 24 000 personnes en Afrique (dont 9800 sont décédées) contre sept cas avérés en Europe et aux États-Unis. De la même façon, le 10 janvier dernier, au Nigeria, une petite fille de 10 ans portant une bombe a explosé sur un marché tuant avec elle une vingtaine de passants. Cet évènement a été énormément détourné et modifié d’un média à l’autre, les circonstances et les causes de ce geste n’étant pas forcément les mêmes pour tous.

Ainsi, on ne peut vraiment savoir quels médias rapportent  » la vérité », particulièrement dans cette Afrique ou le numérique est à l’origine d’une seconde révolution médiatique, après les journaux, radios et télévisions des années 1980-1990. Pour le journaliste Romain Ledroit, « les médias [d’Afrique ou d’ailleurs] doivent suivre certaines règles, malgré des lectorats ou des lignes éditoriales différentes ». En effet si un journal est réservé à un lectorat enfantin, les actualités ne seront pas racontées de la même manière que pour un lectorat est adulte. Pourtant cela doit des rester des faits vérifiés, avec des sources et des avis contradictoires.

Malheureusement, dans ce contexte, « certains médias publient des rumeurs juste pour faire de l’audimat » précise Romain Ledroit. Car il existe  « la loi de proximité » qui peut-être un réel business pour des médias émergents africains  : plus un évènement (vrai ou faux) est proche géographiquement, chronologiquement et socialement du lecteur/auditeur/téléspectateur, plus il va l’intéresser. Un effet d’audience décuplé par certains thèmes bien précis  : la peur, la mort, le sexe ou la maladie. Les Prix africains du fact-checking, décernés par Africa Check en font la démonstration chaque année… L’émergence, la vérité et l’audience, beaucoup de défis pour la diaspora renaissante des médias d’Afrique.

TEXTE : LISA-MARIE CHALMEL, LAURA CORCESSIN ET MAUVE DROUARD, PHOTOS : CC CIFOR ET UNP.

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