Brigitte Ayrault : son parcours de professeure à Renan

Brigitte Ayrault fut enseignante de français au collège Ernest Renan. Aujourd’hui à la retraite, elle est l’épouse de Jean-Marc Ayrault, ex-premier ministre et maire de Nantes. Nous l’avons reçue jeudi 12 avril 2018 au collège pour l’interviewer sur son parcours d’enseignante au collège.

Par Kali, Kevin, Luan et Mariane

Brigitte Ayrault lors de son interview par les élèves d’Ernest Renan

Combien de temps avez-vous enseigné le français à Renan ?

J’y ai fait toute ma carrière, donc j’ai enseigné 36 ans à Renan et ce, dans un grand bonheur!

Pourquoi avez-vous choisi d’être professeure de français en REP ?

Parce que je suis issue d’un milieu social assez modeste. Mes parents étaient agriculteurs et à l’époque on n’avait pas un éventail de choix extraordinaire sur notre avenir professionnel. J’ai pensé spontanément à aller vers le professorat sans chercher ailleurs. Je voulais surtout transmettre ce que j’avais reçu. C’était très important pour moi de pouvoir donner cet espoir d’émancipation aux jeunes générations et c’est aussi pour ça que j’ai toujours travaillé en secteur ZEP (zone d’éducation prioritaire) car c’est ici que l’éducation peut apporter le maximum de chances aux élèves qui en ont le moins.

Quel projet vous a le plus marqué ? Et pourquoi ?

J’ai initié beaucoup de projets pédagogiques au niveau de la culture ou de la presse par exemple. Je me souviens avoir participé à un projet sur la valorisation des origines où l’on avait demandé aux élèves d’enquêter sur leurs origines respectives. Nous avions même fait le déplacement au centre de généalogie du département à Nantes. C’était important de travailler sur cette question pour raviver une certaine fierté des élèves français dont les grands-parents avaient vécu en Algérie ou en Afrique noire par exemple. Il était important de raconter ces histoires. Cette année-là, le projet s’est terminé par un repas de plats exotiques concoctés par les familles: succès garanti! Mais le projet qui m’a le plus marqué est celui sur les cultures urbaines: avec des professionnels nous avons slamé, fait du hip hop, et dessiné un graf sur le mur du collège.

Comment étaient vos relations avec vos élèves ?

Je passais pour une prof assez sévère (avec moi il fallait bosser) en cours, sévère mais juste, et ces projets d’action éducative me permettaient d’être plus cool, d’avoir un autre rapport avec les élèves. J’ai d’ailleurs esquissé quelques pas de hip-hop, ce qui a bien fait rire les élèves! Mais je pense quand même que l’autorité doit être respectée: c’est un cadre rassurant et structurant pour les élèves.

Kali, Luan, Brigitte Ayrault, Mariane et Kevin

Avez-vous gardé contact avec vos anciens élèves ou collègues ?

Oui: avec mes anciens collègues, on continue à faire la fête ensemble! Ceci montre qu’il y a eu, grâce à ce travail en équipe, une amitié extrêmement forte et sincère qui s’est nouée. C’est vrai que dans ces collèges REP, on rencontre plus de problèmes de discipline que dans les collèges dits « bourgeois » du centre ville. Il faut que l’équipe pédagogique soit à la fois cohérente et surtout très solidaire, et ça crée des liens indéfectibles ! Ce qui me plaisait beaucoup, quand je tenais les bureaux de vote à Saint-Herblain, c’est lorsque je voyais mes anciens élèves arriver avec leurs enfants dans les bras. C’était des moments émouvants, une histoire qui se racontait et se poursuivait.

Regrettez-vous certaines choses vis-à-vis de ce collège ?

Là, c’est la question piège. Ce qui a été le plus problématique, c’est peut-être la relation avec les parents. Or je pense qu’il est essentiel, pour la réussite des enfants, que les parents puissent bien comprendre la teneur des études et les difficultés que rencontrent leur(s) enfant(s). Il était souvent très difficile d’établir ce lien avec les parents. On avait du mal à les faire venir au collège, et trop souvent quand ils venaient, c’était pour entendre des reproches: « votre enfant n’a pas fait ci, il n’a pas fait ça ». Donc je pense que là on a été un peu faible, et qu’on aurait pu faire mieux.

Parlez-nous de votre vie sur un plan plus personnel…

Mon père voulait des garçons pour l’aider et reprendre la ferme, au final il a eu cinq filles! Mes parents ne voyaient pas l’utilité de m’envoyer faire de longues études, après l’école primaire on faisait généralement un CAP pour entrer le plus vite possible dans la vie active. J’ai beaucoup de reconnaissance pour la religieuse qui les a convaincus de me faire faire des études supérieures.   L’éducation est une arme dans la construction de son propre destin: il faut saisir sa chance. J’ai aimé faire ce que j’ai fait, j’ai aimé être prof et pouvoir aussi exercer, en parallèle, mon mandat politique de Conseillère Générale. Ces deux fonctions me nourrissaient. Certes, il a fallu jongler avec les horaires et assurer l’équilibre familial, mais je ne regrette rien.

Un dernier message pour vous: n’ayez pas peur d’aller au bout de vos rêves et de vous en donner les moyens.

 

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