Gilbert Germain :  deux G comme Generosite et Gentillesse

Gilbert Germain : deux G comme Generosite et Gentillesse

Gilbert Germain est artisan indépendant depuis plus de vingt ans. Il a monté son entreprise de plomberie-chauffage en 1990 chez lui, avec sa femme dans le quartier de la Contrie. Cet originaire de la Réunion qu’il a quittée à l’âge de dix ans, a gardé le soleil dans son sourire. Généreux, il ne compte pas ses heures, que ce soit pour réparer un chauffage ou répondre à nos questions.

Gilbert Germain nous ouvre la porte de son entreprise ; passé les chaudières, les chauffes-eau et les caisses à outils, nous nous retrouvons par surprise dans sa cuisine en compagnie de sa femme, sa tortue et sa poule « cocotante ». Un petit bout de campagne en plein Nantes, pour notre entrepreneur écolo, c’est essentiel. Avant de commencer l’entretien, sa femme dont le visage ne nous est pas inconnu, nous propose gentiment un café puis nous dit : « Faites un beau portrait de mon mari. Et continuez de venir à la médiathèque. » Ah mais oui, Madame Germain, en plus d’être la comptable de l’entreprise travaille à la médiathèque Emilienne Leroux des Dervallières. Nous sommes tout de suite plongées dans l’ambiance familiale, même leur dernier fils Mathieu de 23 ans, passe timidement la tête. Au fil de l’interview, celui que l’on croyait réservé a dévoilé son parcours, ses passions, ses rêves et ses blagues.

Plongeon rapide dans la plomberie

Gilbert Germain n’a pas été longtemps élève. Dès 15 ans, il entre au CFAP de Nantes (Centre de Formation Apprentissage et Perfectionnement) pour faire CAP de plomberie. Ce n’est pas qu’il aimait spécialement la plomberie mais, « à 15 ans que faire ? On choisit comme ça…» explique-t-il. Comme le directeur du centre est aussi un compagnon du devoir (communauté d’artisans qui voyage de ville en ville pour apprendre tous les métiers du corps d’état comme la menuiserie, la plomberie, l’électricité…), il se perfectionne rapidement et ne tarde pas à trouver un travail. Avant de se lancer dans l’entrepreneuriat, il passe dix ans dans le bâtiment comme plombier et poursuit dix autres années dans l’Education Nationale cette fois. Mais comme pour Gilbert rien ne vaut la liberté, à 35 ans, il décide de fonder sa propre entreprise. Difficile de faire rouler la machine quand on n’a pas de notions de gestion. Même avec un stage d’une semaine, les débuts sont durs. Pas de salaires fixes pendant deux ans. Gilbert vit au jour le jour en quête de clientèle. C’est sa femme qui fait la comptabilité. « On apprend tous et tout sur le tas ». GG n’est pas du genre à baisser les bras et il en faut des bras pour faire ce qu’il fait. Gilbert pose des salles bain, des chauffages, répare, change des chaudières et depuis quatre ans, il s’est spécialisé dans les chauffes-eau solaires qui fonctionnent grâce à des capteurs solaires.

Le super-plombier du quartier

Et oui, GG, dans sa salopette verte (un peu comme celle de Super-Mario) est un amoureux de la nature ! Ça lui permet d’oublier les soucis du quotidien. Quoiqu’il n’est pas du genre pessimiste. Il y a des hauts et des bas dans son métier et en ce moment plutôt des bas : « C’est la catastrophe, il faudrait que l’on double les prix pour avoir un salaire digne. », pourtant Gilbert adore toujours son travail. C’est pour cela qu’il a fait le choix d’avoir son entreprise à la maison. « Être artisan, c’est donner de son temps ». Ses clients peuvent l’appeler à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit ; « 90% de mes clients sont mes copains maintenant, on mange ensemble, on boit des coups ». Selon Gilbert, quand on est plombier, « on entre partout dans la maison donc dans l’intimité des gens et il se crée naturellement un rapport de confiance. » La famille Germain est bien connue dans le quartier et même au-delà. Gilbert a passé son enfance à Bellevue, sa femme aux Dervallières, ils ont vécu ensemble là-bas pendant 20 ans. Quand on lui demande s’il se sent isolé de la vie de quartier à la Contrie, il répond en plaisantant : « Mon quartier, c’est un peu tout le nord de Nantes, j’ai de la clientèle jusqu’à Zola. » D’ailleurs, pour Gilbert, ce n’est pas plus difficile d’être patron en centre-ville que dans un quartier populaire, le travail est le même, le prix est le même, « y a que les gens qui changent. ». Gilbert, le gentil fait beaucoup pour le quartier. Il embauche toujours des jeunes du quartier, apprentis ou en stage, même s’il avoue qu’il aime bien la solitude. Et quant à la concurrence, il ne voit pas de quoi on veut parler. « Quand il y a du travail, c’est pour tout le monde, et quand il n’y en a pas, c’est pour personne. » Pour les nouvelles entreprises qui s’installent, il n’hésite pas à leur donner son surplus de travail. Ce n’est pas tout. Il fait partie d’un groupement d’artisans le GCAP 44 (Groupement Coopératif d’Artisans Plombiers) qui, tous les ans fait des appels d’offre aux fournisseurs pour faire bénéficier toutes les entreprises de plomberie des meilleurs prix. Le GCAP 44 parraine aussi les novices et chaque membre s’échange de bons tuyaux, au propre comme au figuré. Gilbert l’affirme d’emblée : « gagner de l’argent, c’est une autre histoire. » Ce qui compte avant tout pour notre entrepreneur est l’éthique du travail. Il faut bien faire son travail, respecter sa clientèle. Selon Gilbert, de nos jours, c’est une valeur qui se perd. Il connaît de jeunes entreprises qui font le travail à la va-vite et n’ont aucun scrupule à multiplier les prix par trois. « Pour 2000 euros, il y en a qui changent des toilettes et à une petite grand-mère de préférence. »

Après le travail, encore de l’eau et des tuyaux

Même si Gilbert travaille beaucoup, il est toujours de bonne humeur. Son secret ? « Quand j’en ai marre, je baisse les stores et je dis à ma femme d’avertir que je ne suis pas là. En fait je m’en vais à la pêche ou faire de la plongée à Noirmoutier et Belle-Île. » Sur son frigo, il y a d’ailleurs des photos de Gilbert, masque et tubas. Passionné, il s’adonne à son activité seul, quoique son fils aîné, pompier de Paris, l’accompagne désormais. « Il commence à voir qu’il a un père avec qui on peut faire des choses intéressantes » nous dit-il en rigolant. La retraite approche, dans quatre ans, et Gilbert ne compte pas se reposer. « Je veux une retraite active », faire tout ce qu’il n’a pas eu le temps de faire : continuer de bricoler bien sûr, faire de la plongée, s’essayer à la sculpture, fabriquer même son propre alambic à parfum et surtout « avoir plus de temps à moi. » Il ne sait pas s’il restera dans le quartier. Comme sa maison est aussi un local commercial et qu’il n’est pas propriétaire, il devra forcément déménager. Alors pourquoi ne pas retourner au chaud à la Réunion ? Il est attaché aux Dervallières, ses espaces verts, ses activités. Il répond toujours présents aux nouvelles expériences de la vie du quartier : Place Ô gestes, un projet avec l’association La Luna, maintenant Parcours Pro(se)…  toujours encouragé par sa femme ! Et si c’était à refaire M. Germain ? Bien sûr qu’il se relancerait dans l’aventure de l’entrepreneuriat mais au cas où des jeunes liraient son portrait, il met en garde : « il faut avoir un projet bien ficelé et se faire aider. Trouver sa clientèle d’abord c’est important. » Gilbert reste un grand rêveur. C’est pour ça, qu’il nous laisse comme dernier message : « Tout est faisable, alors quand on veut entreprendre le métier qu’on aime, il faut y aller. »

Gilbert Germain, le super-plombier du quartier from Lolab on Vimeo.

Rajae El Fiaz et Ahlem Snacel