Aliou Sané, un combat pacifique

Aliou Sané, 31 ans, journaliste de formation et co-fondateur du mouvement social sénégalais « Y’en a marre », s’est rendu dans plusieurs lycées nantais à la mi-novembre 2013 pour raconter son histoire, si touchante, et appeler à l’engagement citoyen des jeunes européens. Portrait.

Aliou Sané lors de sa venue au lycée Nicolas Appert d'Orvault le 15 novembre 2013. Crédit photo: Julie Brault.

Aliou Sané lors de sa venue au lycée Nicolas Appert d’Orvault le 15 novembre 2013. Crédit photo: Julie Brault.

Aliou Sané est né en 1982 au Sénégal, alors qu’Abdoulaye Wade tentait déjà de se faire élire président de la République – il y parviendra 18 ans plus tard. Le jeune Aliou vit une enfance paisible à l’abri des besoins car issu d’une famille moyenne : son père est ingénieur et sa mère enseignante. Mais son enfance est loin d’être représentative de ce que peuvent vivre d’autres enfants de son âge : la survie dans des conditions des plus médiocres, voire atroces. Ensuite, le jeune Sénégalais obtient son baccalauréat, puis obtient un diplôme supérieur en communication. Il exerce le métier de journaliste dans les années 200, avant de cofonder un collectif citoyen et politique contre le président Wade.

Quelle histoire…

Nous sommes dans la banlieue de Dakar, au Sénégal, dans la nuit du 10 au 11 janvier 2011. Il a suffi d’une minuscule chambre de 4m² éclairée par une simple bougie avec 4 hommes autour, pour que le mouvement  « Y’en a marre », qui changera la face du Sénégal, soit créé. Mais revenons au contexte de l’époque, nous nous situons entre 2007 et 2011 lorsqu’Abdoulaye Wade exerce son 2ème mandat.Mais ce ne sont pas ses 85 ans qui vont l’empêcher d’aspirer à un 3ème mandat et ainsi passer au-dessus de la loi.

Les conflits commencent alors. Nous sommes dans un contexte préélectoral, Wade souhaite mettre en place une loi lui permettant d’être élu une troisième fois avec seulement 25% des voix. A l’époque le régime a compris qu’il ne faut pas encourager les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales car l’opinion de la majorité d’entre eux va à l’encontre de celle du pouvoir en place. Le Sénégal fait alors partie des pays les plus pauvres d’Afrique, on peut y voir des femmes qui accouchent sur des charrettes ou encore des enfants noyés par les crues, jusqu’à dans leur propre maison, et les coupures d’électricité sont quotidiennes…

Malgré tout, la puissance publique  ne fait rien pour arranger les choses et investit l’argent de la collectivité dans des futilités. « Y’en a marre » n’est d’ailleurs pas le premier acte de révolte sénégalais. Aliou Sané nous raconte que ce mouvement n’a été que l’explosion d’une mouvance déjà en marche, propulsée par quelques actions de révolte, mais pas toujours initiées de la bonne manière. Effectivement, la population ne peut demander aux politiques de ne pas commettre d’erreur si les gens eux-mêmes dérogent à des règles de respect des plus basiques.

Aliou Sané lors de sa venue au lycée Nicolas Appert d'Orvault le 15 novembre 2013. Crédit photo: Thibault Dumas.

Aliou Sané lors de sa venue au lycée Nicolas Appert d’Orvault le 15 novembre 2013. Crédit photo: Thibault Dumas.

Petits actes et grands changements

« Y’en a marre » n’aurait pas pu être le groupe qui change petit à petit la face du Sénégal sans se faire connaître. Pour cela les membres de ce mouvement usent de ruses et de beaucoup de patience. L’information est développée via les différents métiers des membres constituant le groupe, on y retrouve artistes, imprimeurs, journalistes… Des flyers sont distribués dans les rues, des tee-shirts et des porte-clés, entre autres, sont également été mis en vente.

Aliou et ses coéquipiers font le tour des bus de Dakar pour clamer leurs revendications durant les heures de pointe. Lors des élections, Aliou Sané nous raconte avoir dit aux électeurs : « quand vous arrivez dans les bureaux de vote, arrivés à la hauteur du bulletin d’Abdoulaye Wade, mettez des gants ou bouchez-vous le nez, car il est taché du sang des citoyens qui ont perdu la vie dans ce combat. » Cette publicité est primordiale pour le développement de la révolution, qui est, comme insiste Aliou Sané, « pacifique ».

Enfin, du moins de leur côté… Car bien malheureusement, lors des différentes mobilisations citoyennes, des policiers tentent de pousser à bout les membres de cette équipe unie et soudée. Membres qui ne répondent en aucun cas à ces harcèlements, tout comme ils exposent leur fierté de ne jamais avoir été achetés, ou corrompus par qui que ce soit. Aliou Sané – comme beaucoup de ses frères de lutte – a payé ce combat au prix fort : la prison, les passages à tabac et surtout les contacts coupés avec sa famille. Le message d’engagement qu’il porte n’en est que plus poignant.

Par Romane Mabit, Julie Brault et Elise Prima du lycée Nicolas Appert à Orvault, Crédit photo : Julie Brault et Thibault Dumas.

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