Patricio © Maëlle Gilart de Keranflech

Le poète chilien

6 février 2013

Patricio, est un petit homme qui a toujours un sourire chaleureux aux lèvres. Poète ambulant d’origine chilienne, il raconte son arrivée en France, « pays qui brille », il y a plus de trente ans.

C’est au lycée qu’il commence à étudier le français, en même temps que l’anglais. Il est passionné par la politique, s’investit dans beaucoup de projets et se fait élire président d’une association d’élèves. En 1973, le régime socialiste de Salvadore Allende est renversé par un coup d’État militaire, emmené par le général Augusto Pinochet. Ayant un passé politique et des relations compromettantes, il est contraint de s’exiler.

La vie devant lui

Mais ce n’est pas la seule raison, il était tombé éperdument amoureux : « la vie sentimentale, l’amour pour lequel on peut traverser l’océan ». Une chose surprenante, dans sa valise, il emmène 25 livres en espagnol, la culture hispanique le suit par delà les frontières. « J’ai senti qu’on m’arrachait l’estomac » : sa terre s’éloignant peu à peu, il étouffe.

Dès son arrivée, il cherche absolument à obtenir un tampon sur son passeport pour gagner la certitude d’avoir un statut de résident français. « Comme souvent en France », le pays est en grève. Ce jour là, le courrier n’a pas circulé et ses amis qui devaient l’accueillir, ne sont pas informés. Départ du Chili : 30° Arrivée à Paris : : 10°. Le coup de froid, il est cloué sur place en descendant de l’avion.

Parlant très peu le français, il doit se repérer dans les rues de Paris. Par ailleurs, il essaie encore aujourd’hui d’acquérir l’attitude des gens autour de lui. Bien sûr, sa famille lui manque mais aussi les saveurs du pays : « j’ai encore le souvenir des pêches, des brugnons, des poires que je mangeais au Chili et le goût des fruits de mer qui étaient formidables ». Cependant, à son arrivé en France, Patricio avait l’esprit d’un jeune rêveur « j’avais 22 ans, la vie devant moi, qu’est ce qui pouvait me manquer ? ».

Patrico © Maëlle Gilart de Keranflech

Le temps d’une rime…

Sans cesse à rechercher les bons mots pour s’exprimer, il nous explique à quel point ses deux langues peuvent enrichir, diversifier, son travail de poète. « Je joue de ça, pour certains c’est une aberration » en fait c’est « une trame de pensée française tintée par l’espagnol ». Partout, en toutes circonstances, que ce soit au travail ou bien dans les transports en commun, il écrit. Patricio chantonne, fait rimer les mots, raconte sa propre histoire en quelques vers.

Aujourd’hui Patricio réalise : « mon pays d’origine est complémentaire de mon second pays: la France ». L’un ne marche pas sans l’autre. A son retour, tout avait changé, mais lui aussi. Ses racines, il ne les oublie pas. « Il faut s’appuyer sur le bon pour aller plus loin », c’est une leçon marquante que l’on reçoit de cet homme. Comme un au revoir, il nous déclame quelques brides de l’un de ses poèmes :

« Te quiero regalar el gesto, la materia y el espíritu,
Te puedo dar solamente una palabra,
La tendrás siempre contigo en la clarida y en la obscurida. »

« Je voudrai t’offrir le geste, la matière et l’esprit,
Mais je ne peux te donner qu’un simple mot,
Tu l’auras toujours avec toi dans la clarté et l’obscurité. »

Par Maëlle Gilart de Keranflech et Solène Meode

Photos © Maëlle Gilart de Keranflech

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