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Lauryne : entre-deux cordes

La première chose qui surprend quand on la rencontre, c’est l’impossibilité de lui donner un âge. Elle est jeune, c’est certain, une telle gamine sous certains angles.  Dans sa tenue de sport, on la confondrait avec ses élèves. Elle n’en est pas dupe, Lauryne, et c’est en riant qu’elle confesse « je sais, je fais plus jeune… ». Mais par moments, sous la noirceur du rimmel, jaillit une profondeur qui n’est pas de son âge. Une intensité aussi. Un vrai tempérament assumé de compétitrice, ce qui explique sans doute la troisième place obtenue par son équipe au championnat de France de double dutch en 2010. Un podium, d’emblée, après seulement une petite année d’existence pour le club nantais, un beau résultat qui ne semble pas impressionner outre mesure la jeune femme de vingt huit ans.

acrobaties pour cordes

Le double dutch est un sport dérivé du hip hop qu’elle a elle-même pratiqué pendant un moment et que sa qualité d’éducateur sportif lui a donné envie de faire découvrir aux jeunes des Dervallières. Deux grandes cordes tournoient dans lesquelles les participants vont exécuter des figures, des combinaisons, des enchainements acrobatiques exigeant vitesse et coordination, en solo ou en équipe. Accompagnés par la musique rythmée issue des tripes, de la rue et vêtus de couleurs vives, les jeunes athlètes virevoltent dans des chorégraphies parfois complexes, toujours spectaculaires. Le corps entier est sollicité, et on imagine comme en danse l’indispensable discipline, la patience, la répétition, le mouvement sans cesse renouvelé pour restituer enfin cette impression de fluidité, de facilité même qui masque l’effort, comme par pudeur. C’est ce qu’a su insuffler Lauryne à ces jeunes recrues principalement féminines, l’envie d’un engagement. Elles sont venues s’entraîner dur, jusqu’à trois fois par semaine, un engagement total qui a payé, qui pour une fois a été récompensé.

ricochets et mise en scène

Ces gosses qui ne sont la fierté de personne, toujours en échec quelque part, en but à la démission des parents ou à la méfiance hargneuse des institutions, on trouvé dans cette discipline le goût du dépassement de soi. Lauryne les a contaminées par sa détermination, elle a su créer un vrai système d’émulation, les a incitées à trouver elles mêmes leurs chorégraphies, à s’approprier leur travail. Et par un heureux ricochet cette ébauche de repères a mis fin à des errances dangereuses. Fortes de ces nouveaux enjeux, des jeunes filles ont décidé d’emprunter d’autres chemins et ont abandonné des fréquentations douteuses. Un jeune garçon lui, s’est ouvert au monde, est sorti de sa gangue de peur, a fini de s’excuser de se sentir vide. La pratique de ce sport lui a rendu une vie sociale, il a fait entendre son rire. Difficile alors de savoir ce qui rend Lauryne la plus heureuse, de l’exploit sportif ou humain. Quoiqu’il en soit c’est bien d’eux qu’elle est fière, de ces enfants souvent livrés à eux-mêmes, en quête d’un espoir de vie meilleure. Comme le metteur en scène elle s’efface au moment de la première, laisse l’acteur entrer dans la lumière, malicieuse dans la pénombre, attentive, exigeante. Passionnée.

Agnès Foissac

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