Parcours Pro(se)

Le quartier : une entreprise d’idées

Entreprendre, c’est commencer. Informer c’est partir à la rencontre de l’autre. Entreprendre dans un quartier va au-delà de la définition. Car là où d’autres ne commencent jamais et continuent de stigmatiser, mépriser, ignorer les quartiers, certains osent franchir le pas. Plus que commencer, l’entrepreneur du quartier recommence : il recompose le territoire et recréé un lien durable sur le terrain. Pour Parcours Pro(se), Fragil a ouvert sa rédaction aux jeunes habitants des Dervallières et du Breil, partis à la rencontre de leurs voisins entrepreneurs. Témoins des transformations de leur quartier, entrepreneurs de demain, ils découvrent l’entrepreneuriat autrement, cassent les représentations, saisissent les réalités socio-économiques du quartier, ouvrent des portes et des perspectives d’avenir. Les clichés a priori incompatibles, se sont estompés pour laisser place à des portraits singuliers d’hommes et de femmes émergeant de la diversité, immergés dans la créativité.

Le Breil et les Dervallières sont connus pour leurs expérimentations associatives, culturelles, moins pour leurs entreprises. Dans le quartier, l’entrepreneur a quelque chose d’alternatif. Hors des sentiers balisés, il a un jour décidé de poser sa « mallette » en face du grand Watteau, sur la place des « Derv » ou le long du grand boulevard Pierre de Coubertin, quand ce n’est pas tout simplement chez lui. Entre le bureau et la maison, il n y a alors qu’un pas ; pour être entrepreneur c’est pareil. « En fait, avec un CAP, on peut être entrepreneur » s’étonne l’un des jeunes. Rien à voir avec Claire Chazal, Xavier Bertrand ou Liliane Bettencourt comme ils ont cru au départ. « On n’est pas des fils à papa, on n’est pas tous sortis d’HEC. » insiste un entrepreneur. La fameuse mallette ne renferme d’ailleurs ni costume trois pièces ou stratégie sophistiquée. On y trouve en revanche des aventures humaines. De l’épique au surréalisme parfois, le philosophe devenu boucher, des acrobaties entre le cirque et l’entreprise, ces récits de vie témoignent qu’être entrepreneur est avant tout une histoire personnelle semée d’embuches et de heureux hasards qui se construit au jour le jour.

L’entrepreneur-repère

Installé, identifié, l’entrepreneur endosse un autre rôle. Il devient aussi un repère. La coiffeuse avec qui l’on peut parler de tout, le boucher qui donne sa chance aux apprentis du quartier, le plombier disponible de jour comme de nuit et le primeur, mémoire du quartier. Ils le disent tous, faire du social, ça fait partie du travail et même « ça les éclate ». Et les autres, ceux qu’on appelle les « entrepreneurs invisibles » enfermés dans leur bureau devant leur ordinateur ? Ceux-là aussi dans leur bulle font bouillonner la créativité du quartier : « Les jeunes sont intrigués par ce que l’on fait. On aime bien leur expliquer, ça peut donner des idées. » dit cet éditeur de logiciel ou encore ce concepteur d’objets publicitaires qui prend en stage un élève de troisième car il est venu frapper plusieurs fois à sa porte.

Donner ou redonner sa chance, il y a comme un pacte entre l’entrepreneur et le quartier. Tous s’accordent, travailler dans un quartier fait voir les choses autrement, mais certains nuancent « on y travaille comme partout, c’est juste le regard sur nous qui change ». Ceux qui y habitent déjà, y restent « car plus les frontières tombent, plus on s’accroche à son bout de terre ». Les autres qui ont saisi au départ une opportunité d’espace de travail, conditionnent peu à peu leur activité à la vie de quartier. Conscients des difficultés, du manque d’informations, des liens durables se tissent envers et contre tout.

Dans une démarche d’éducation aux médias, les jeunes, devenus apprentis reporters, se sont appropriés un nouveau moyen de participation pour redonner du sens aux réalités socio-économiques du quartier et à la découverte de l’autre. Invités par l’association Lolab, spécialisée dans les arts numériques les jeunes ont remodelé leur portraits accompagnés par deux artistes : le dessinateur-graphiste Quentin Faucompré et le plasticien-musicien Wilfried Nail. Des dessins qui éclairent les tours du Breil et des Dervallières, des mots qui viennent rythmer les pas des passants sur le trottoir. La fabrication d’un nouveau média, nécessaire à la création de liens sur le quartier et entre les quartiers. L’information circule, bascule de mains en mains et bouscule le quotidien. Derrière tout ça, il y a une autre grande entreprise d’idées : le quartier.

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