Jeux, scène et match

Un long couloir agrémenté de tables et de chaises de bistro puis deux portes battantes qui s’ouvrent sur une petite salle à la configuration baroque : sur la gauche un bar qui semble hors d’usage et sur la droite une scène pratiquement de même surface que les gradins qui lui font face. Bienvenue au Terrain Neutre Théâtre (TNT), temple nantais du slam situé dans le quartier de la Madeleine. Au programme, en ce mercredi soir de janvier 2014, un « match de poésie ».

Match de poésie au TNT le 22 janvier 2014. Crédit photo : Thibault Dumas.

Match de poésie au TNT le 22 janvier 2014. Crédit photo : Thibault Dumas.

Dans la pénombre des coulisses, les entrefilets de lumière éclairent les visages, tantôt rigolards, tantôt tendus. Sur scène, la truculente Alice Ligier revêt ses habilles de maitresse de cérémonie. Ce sera trois contre trois, le lycée Sacré Cœur de Bellevue (Nantes) face à un attelage nanto-marseillais, les jeunes débutants – guidés par l’auteur/déclameur Mamat – opposés aux slameurs expérimentés.

Le « match de poésie » dure une soixante minutes découpées en six manches qui se succèdent à rythme effréné. On détermine l’ordre de passage des équipes par un tirage au sort enfantin : « chou-fleur », « barbichette » et autre « pierre-feuille-ciseaux ». Ensuite, un représentant de chaque trio se lance, déclame son texte ou son improvisation, avec un thème/terme pour prétexte.

Les mots se font durs, doux ou drôles. Les plus jeunes sont introspectifs et sombres quand les plus anciens sont créatifs et distants. Ici on caricature la corruption en politique à base de « votez pour moi » quand la on faire part de la difficulté à « s’accepter et être accepté ».

Seul face à soi-même

Après chaque duel les cinquante spectateurs congestionnés sur les petits gradins du TNT votent à l’aide de cartons jaunes ou rouges, pour départager les équipes. Le jeu prime sur l’enjeu puisque de toute façon « c’est celui qui a rameuté le plus de potes dans la salle qui gagne » comme le souligne Alice Ligier – en l’occurrence l’escouade Sacré Cœur, aidée de camarades venus en nombre.

La rencontre poétique se situe à mi-chemin entre la scène ouverte slam et le match d’improvisation théâtrale.  Elle empreinte à la sobriété de la première pour s’habiller de la jovialité du second. Le slam c’est l’absence de décor, de costume ou d’accessoire, la solitude face au microphone et les 3 minutes et 9 secondes comme limite. « L’impro » c’est le travail immédiat en équipe, la rapidité de discussion, de création et d’exécution.

La liberté artistique de Victor, Mathieu, Elisa et Léa, née dans contraintes scéniques. Car le match ne se joue pas contre l’équipe adverse ou une salle hostile mais face à soi-même. Les spectateurs n’ont qu’une question à la bouche à l’issue de la soirée :  « Est-ce que j’en serai capable ? ».

Par Thibault Dumas, journaliste intervenant, Crédit photo : Thibault Dumas

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