Dreadlocks cc Mo-Oh

Des racines et des dreads

19 mars 2013

Le refrain du chanteur de reggae jamaïcain Bob Marley, extrait de la chanson Buffalo Soldier (1980), est dans toutes les têtes : « Said he was a buffalo soldier, dreadlocks rasta / Buffalo soldier in the heart of america ». La traduction française pourrait être : « J’ai dit que c’était un soldat Buffalo [homme appartenant à la cavalerie américaine créée le 21 Septembre 1886], dreadlocks rasta / Un soldat Buffalo dans le cœur de l’Amérique ». Si dans les années 1970, beaucoup d’artistes, comme Marley, ont popularisé les dreadlocks, l’histoire de cette coiffure est plus complexe qu’elle n’y paraît. Elle peut caractériser aussi bien la provocation que l’acceptation d’origines pour ceux qui les portent.

Les dreadlocks, une histoire tirée par les cheveux

Avant de lier les coiffures rasta à un phénomène de mode, comme c’est le cas depuis près de 40 ans, il faut préciser qu’elles sont avant tout issues d’une longue histoire africaine. Les dreadlocks sont des cheveux que l’on tresse. Derrière cette coiffure se cache des croyances religieuses. Les Égyptiens l’ont en effet adoptée durant l’Antiquité : celle-ci était portée par des personnages importants tels que les membres de la famille royale. Une coiffure que l’on retrouvait auparavant, aux alentours de 2000 avant notre ère, dans le Sud de l’actuel Kenya. Chez les Massaï, les locks étaient – et sont toujours – atypiques car plus fines, moins longues et teintes avec des pigments végétaux pour leurs donner une couleur rouge. Cette tradition capillaire, se retrouve encore aujourd’hui, plus de 4000 ans après ses prémices. La teinture se fait plus discrète mais le rituel (modernisé) subsiste.

Prenons l’exemple de Shivani, 15 ans, Orvaltaise d’origine gabonaise, qui porte des tresses en 2013 : « Pour entretenir ma coiffure, je fais trois shampoings par semaine en mettant du jaune d’œuf et de l’huile d’olive dans mes cheveux. Je laisse reposer une heure mes cheveux avec un chignon, je mets un sachet plastique sur ma tête, j’attends une heure pour rincer mes cheveux. J’utilise ensuite du shampoing spécial cheveux frisés et de l’après shampoing puis je laisse reposer pendant sept minutes. »

Temple de Pashupatinath cc Jean-Marie Hullot

La mode a pris le dessus sur la religion

On différencie ici la tradition de la religion : le port de dreadlocks est plus une habitude perpétuée de génération en génération qu’une croyance divine. L’apparition des tresses est souvent liée à la fidélité à une tradition familiale. Shivani précise d’ailleurs que « ce rituel est très spécifique, mais, pour ma part, ce n’est pas une pratique religieuse mais plutôt un phénomène de mode.»

La popularisation des coiffures rasta a, en effet, effacé une partie de leur signification religieuse : avec le temps la mode a pris le dessus, même si il subsiste des personnes qui rattachent ce choix capillaire à une croyance en un dieu rastafari : Jah.

Désormais les dreadlocks ne sont plus réservés aux personnes issues de la communauté afro-antillaise. Suite à la popularisation par le reggae dans les années 1970 – nous évoquions Buffalo Soldier en introduction de nombreuses figures publiques : acteurs, rappeurs, athlètes ou chanteurs ont décidé d’adopter ce style. On peut évoquer les artistes comme Lil Wayne et Tiken Jah Fakoly (dans le domaine du rap et du reggae) qui portent des dreadlocks pour montrer leur appartenance à la communauté rasta. Une image positive mais aussi controversée car associée à des gangs dans certains films comme Shottas où la plupart des acteurs portent des dreadlocks.

Cyber gothique cc Rebechan

Les dreadocks : une mauvaise image dans la société

Car la coiffure rasta reste bien plus qu’une mode : elle renvoie à un statut social et beaucoup de clichés y sont attachés. En effet, les porteurs de tresses – spécialement les rastas – ont du mal à trouver du travail, ils sont discriminés car leur coiffure est considérée comme « non-conforme » aux codes d’apparences dans les entreprises. A cet égard,une affaire portée récemment devant la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) est éloquente.

En 1999, un homme d’origine ivoirienne est recruté dans une entreprise aérienne. En 2002, il se fait des tresses et, deux ans plus tard, il est critiqué par ses supérieurs qui considèrent que sa coiffure n’est pas « conforme aux règles de présentation [de la compagnie] ». Après une dépression en 2005, il reprend son activité en 2007, sans tresses. Il se considère discriminé par son apparence physique alors que rien ne prouve que les dreadlocks présenteraient un risque de perte de clientèle ou donneraient une mauvaise image à l’entreprise.

Suite à une décision de la Halde (direction juridique) du 4 Avril 2011, la compagnie aérienne a dû réexaminer les normes de présentation de ses salariés. Comme le disait si bien la chanson Dreadlocks the time is now interprétée par The Gladiators, groupe majeur de la scène reggae internationale :

« Dreadlocks the time is now
Stand up, fight for your rights
Or you ain’t gonna get your culture man ?
Roots natty don’t give up, oh don’t »

« Dreadlocks, il est temps
Levez-vous, battez-vous pour vos droits
Ou tu ne vas pas respecter ta culture mec ?
Roots Natty, n’abandonnez-pas, oh n’abandonnez pas »

Par Margot Dutertre, Alistair Mion et Louis Pinçonnet

Photos CC Mo-Oh, Jean-Marie Hullot et Rebechan

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