Cameroun CC Alberto Vaccaro

« Dès qu’il s’agit de politique au Cameroun, il faut faire attention »

12 mars 2013

Exiger l’ anonymat quant il s’agit de s’exprimer sur la vie politique du Cameroun est la marque de l’autoritarisme qui frappe encore le pays. C’est en effet à cette condition qu’un étudiant camerounais a accepté de décrire l’ambiance qui règne sur place. Un État fermement dirigé depuis 1982 par Paul Biya, « chef et guide spirituel de la nation camerounaise » pour reprendre les termes de son pasteur et partisan Michel Pierre Ayissi.

Pensez-vous que chaque citoyen camerounais est libre d’exprimer ce qu’il pense ?

Étudiant camerounais : Il y a des sujets qui sont plus difficiles à aborder que d’autres. On peut discuter de sujets de société mais dès qu’il s’agit de politique, il faut faire attention.

Donc il vous semble difficile de répondre ?

EC : Si je prends l’exemple des médias, il n’y a pas de problèmes tant qu’ils parlent des faits de société, de la vie de tous les jours, du sport…etc. Quand ils touchent au domaine politique par contre, ils sont tout de suite censurés par les chaînes publiques d’information qui sont soumises au gouvernement. Il est clair que la loi camerounaise garantit, en théorie,  la liberté d’expression mais on ne peut pas dire que les camerounais soient libres de s’exprimer sur tout.

Cameroun CC Fiona Bradley

Existe-t-il des prisonniers politiques au Cameroun ?

EC : C’est difficile à dire, mais mon opinion personnelle c’est qu’il y en a. Il y a des gens qui ont manifesté leur volonté d’être candidat à la présidence de la République et qui tout de suite après ont été impliqués dans des affaires. On les a mis en prison pour des raisons qui ne sont pas forcément les véritables raisons. Eux-mêmes, avancent  l’idée qu’ils sont des prisonniers politiques et ne se défendent sur cette prétendue culpabilité en matière de corruption.

Est-il possible de critiquer le président du Cameroun, c’est-à-dire Paul Biya ?

EC : Oui il est possible de le critiquer mais de manière privée. Tout le monde est libre de critiquer le président. Mais plus on va loin dans la critique et plus la critique est acerbe, plus on s’expose à la réaction du gouvernement et à la censure…

Cameroun CC Alberto Vaccaro

Que pensez-vous de la politique de Paul Biya ? Est-elle une politique d’ouverture ou bien une politique de contrôle permanent de la population ?

EC : Je crois que c’est un mélange des deux. C’est une politique d’ouverture qui vise au contrôle permanent de la population. Il y a des mouvements d’opposition qui, dans les années 1990, se sont battus contre le gouvernement en place et qui aujourd’hui font partie intégrante du gouvernement. Paul Biya a ouvert les portes à l’opposition pour qu’elle vienne travailler avec lui. Du coup, cela lui permet de la contrôler. Finalement, c’est lui qui contrôle tout.

Est-ce que vous pensez retourner au Cameroun ?

EC : Oui j’y retourne chaque fois que j’ai l’occasion et à long terme j’ai l’intention de m’y réinstaller pour me contribuer à l’essor du pays.

Propos recueillis par Daphnelle Tchouateu et Alice Legrand Legris

Photos CC Alberto Vaccaro et Fiona Bradley

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