Joseph Chima Matthew, petite main de « Bring Back Our Girls »

Joseph Chima Matthew, Nigérian de 26 ans, travaille pour l’association Kudirat Initiative for Democracy (KIND) en tant que chargé des médias sociaux et des relations publiques. Il est surtout l’administrateur bénévole de la page Facebook « Bring Back Our Girls », créée le 23 avril dernier par la réalisatrice américaine Ramaa Mosley en réaction au kidnapping de 276 jeunes lycéennes nigérianes par Boko Haram.

TEXTE : SARAH HUBERT, CASSANDRE JOUGLET ET URCHAL NARANBATAAR, PHOTOS : CC MICHAEL FLESHMAN ET MICHELLE OBAMA.

Manifestation en soutien aux filles nigérianes à New-York cc Michael Fleshman

La secte Boko Haram (« l’éducation occidentale est un pêché » en langue haoussa) cause le chaos depuis plus de dix ans en Afrique centrale et de l’Ouest, en particulier dans le nord-est du Nigéria. Le 14 avril 2014 au soir, lors d’une attaque d’un établissement scolaire situé dans la ville de Chibok, 276 lycéennes sont enlevées par des combattants de cette milice sectaire. Pour le jeune nigérian Joseph Chima Matthew, administrateur bénévole de la page Facebook « Bring Back Our Girls », est d’abord une réaction civique : « Boko Haram est combattu par les militaires Nigérians, avec quelques réussites, mais nous, citoyens, pouvons juste agir en demandant la libération des filles. »

Mystères et inquiétude

Tous les jours, depuis avril 2014, le militant publie une image qui fait office de décompte sur la page créée à l’origine par la réalisatrice américaine Ramaa Mosley. Mi-février la barre des 300 jours de captivité a été dépassée pour approximativement 230 des 276 filles emmenées de force par Boko Haram pour les transformer en esclaves sexuelles – une cinquantaine d’entre elles ont réussi à s’échapper selon la police nigériane. En même temps qu’il fait ce décompte, Joseph Chima Matthew poste un message qui appelle le monde à continuer à se mobiliser et rappelle qu’un rassemblement quotidien a lieu en soutien aux lycéennes à Abuja, la capitale du Nigéria.

Car au delà des opinions publiques, l’objectif de ce mouvement digital – qui refuse les dons  et donc le statut d’association caritative – est de « sensibiliser [les] gouvernants pour qu’ils sauvent les filles au Nigeria et de protéger les écolières de part le monde. » En écho à cet appel, beaucoup de célébrités ont publié des messages de soutien aux jeunes filles sur les réseaux sociaux autour du mot-dièse #BackBackOurGirls, inventé par un anonyme, le Nigérian Ibrahim Abdullahi. On peut citer la chanteuse américaine Alicia Keys , la première dame des États-Unis Michelle Obama (voir ci-dessous), le mannequin britannique Cara Delevingne ou la pakistanaise Malala Yousafzaiprix, prix Nobel de la paix 2014.

Michelle Obama, première dame des États-Unis dit #BringBackOurGirls cc Michelle Obama

La page Facebook « Bring Back Our Girls » est désormais connue dans le monde entier et affiche plus de 238 000 « j’aime » début 2015. Joseph Chima Matthew reste « très étonné et reconnaissant de l’affection que l’on porte à ces jeunes filles », dont l’enlèvement reste entouré de mystères et d’inquiétude. « On ne connait pas le nombre exact de personnes enlevées, ni où elles se trouvent exactement, c’est un gros problème et c’est pour cela que l’on ne peut actuellement pas les aider directement », rappelle t-il. Concernant la cinquantaine de jeunes filles qui ont réussi à s’échapper, elles ont été rendues à leurs familles selon le gouvernement nigérian.

« Considérées  comme des animaux »

Mais pourquoi la milice sectaire Boko Haram a t-elle enlevé ces jeunes filles et non des jeunes garçons ? « Je n’ai pas de réponse définitive,  mais j’ai l’impression que des garçons auraient été plus difficiles à kidnapper à grand échelle, à cause des risques de rebellions ou de bagarres avec leurs geôliers, explique Monsieur Chima Matthew, de plus, l’éducation au Nigeria n’est acceptée que pour les hommes, les femmes, elles, doivent travailler toute leur vie car elles sont presque considérées comme des esclaves, des animaux. »

Les jeunes  filles enlevées allaient entrer au lycée de Chibok et Boko Haram a ici voulu faire passer un message : elles n’ont pas droit à l’éducation. Dans le nord du Nigeria, seulement 5% d’entre elles accèdent au niveau d’enseignement secondaire aux dires de « Bring Back Our Girls » et le taux d’alphabétisation des filles de 15 à 24 ans est de 58% en 2012 dans l’ensemble du pays contre 75,6% pour les garçons selon l’UNICEF. Boko Haram, utilise donc une stratégie bien définie selon le bénévole nigérian : « ces filles sont sous le feu des projecteurs parce qu’elles représentent le plus grand nombre de personnes kidnappées à la fois, et bien-sûr parce qu’elles n’auront sans doute plus jamais accès à l’éducation désormais. »

À l’origine, Joseph Chima Matthew travaille pour l’ONG Kudirat Initiative for Democracy (KIND), qui depuis 1996 se bat pour la place des femmes dans la société nigériane et contre les violences dont elles sont les victimes. « Si les lycéennes sont libérées un jour, la page Bring Back Our Girls restera en fonctionnement afin justement de soutenir d’autres causes à travers le monde » conclut t-il.

TEXTE : SARAH HUBERT, CASSANDRE JOUGLET ET URCHAL NARANBATAAR, PHOTOS : CC MICHAEL FLESHMAN ET MICHELLE OBAMA.

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