Milumbe Haimbe, la tolérance en étendard

Une BD numérique pour combattre l’homophobie en Afrique. L’artiste peintre zambienne Milumbe Haimbe, tout juste âgée de 40 ans, a fait ce choix osé avec son oeuvre en langue anglaise « The Revolutionist », récemment primée à Dakar. Portrait.

TEXTE : LAURA BUREL, BAPTISTE CHEDOTE ET FARAH TADLOUI, PHOTO : MILUMBE HAIMBE, ILLUSTRATION : MILUMBE HAIMBE.

Autoportait de Milumbe Haimbe © Milumbe Haimbe

Milumbe Haimbe est née à Lusaka, capitale de la Zambie, en 1974. Elle étudie l’architecture à l’université, et obtient ensuite une maîtrise en beaux-arts  à l’Académie d’art d’Oslo, en Norvège. Car depuis toute petite elle est intéressée par l’art et y fait ses premiers pas en tant que peintre, « j’ai commencé par des peintures à l’huile de paysage autour de Lusaka ainsi que des peintures de danseurs traditionnels masqués de ma culture. Plus tard, j’ai commencé à peindre avec de l’acrylique sur toile parce que c’était un moyen plus rapide pour peindre : la peinture acrylique sèche beaucoup plus vite que la peinture à l’huile ». Une jeune fille pressée donc.

La BD fait également partie de ses centres d’intérêts, « j’adore lire des bandes dessinées. J’ai eu l’idée de faire des BD parce que j’ai observé qu’il y a rarement des héros ou héroïnes noir(e)s dans les bandes dessinées. Je sais bien coloriser et dessiner, j’ai donc décidé de me lancer un défi : créer une BD avec une héroïne noire ».

Représentation des minorités

En 1999, après avoir travaillé pendant un an dans le building d’une entreprise du secteur industriel, elle décide de se consacrer entièrement à ses deux passions : la littérature et l’art. La jeune zambienne s’intéresse en particulier à la représentation des minorités culturelles – les homosexuels notamment – dans la sphère des médias grand public.

Explications : « Je veux changer les regards sur la culture populaire. On a tendance à raconter des histoires ne prenant pas en compte les différentes ethnies et les différents contextes sociaux. Je veux montrer que beaucoup de personnes peuvent être des héros, et que leurs histoires comptent autant. J’utilise cette bande dessinée pour le faire parce que c’est un moyen incroyable pour partager mes idées. »

Dans son œuvre numérique « The Revolutionist », lauréate du prix de la Fondation Blachère lors du festival Dak Art 2014, l’illustratrice zambienne met en scène une protagoniste noire mais aussi lesbienne : « le fait que mon héroïne Aananiya soit noire est apprécié par mes lecteurs zambiens mais ils n’ont pas compris qu’elle est lesbienne. Les quelques pages que j’ai dessinées pour le moment ne rendent pas cela évident ».

L’homosexualité « contre-nature »

En Zambie, l’homosexualité est qualifiée de « contre-nature » et les relations de ce type durement condamnées. Une pénalisation commune à 38 pays africains sur un total de 54, à laquelle il faut ajouter des accusations, violences et injures au quotidien.

Milumbe Haimbe ne se fait d’ailleurs pas d’illusions : « je suis sûre que quand j’en viendrai à la partie où elle commence à sortir avec une autre fille, j’aurai des ennuis. C’est très dangereux d’avoir une opinion différente de celle de l’État en Zambie sur l’homosexualité, parce que l’on risque d’aller en prison pendant 14 ans. Mais pour moi c’est un problème concernant les droits de l’homme. Je ne trouve pas cela juste que les personnes gays doivent en souffrir dans mon pays ».

Pour l’artiste le combat est bien plus que celui d’une partie de la population, « l’histoire est pleine de personnes qui défendent les droits de l’homme, qui mettent leurs vies en danger à cause de leurs avis, comme Martin Luther King Jr, Mahatma Gandhi, Sir Thomas Moore et pleins d’autres… ». Milumbe Haimbe trace sa route artistique le menton levé, le regard franc.

TEXTE : LAURA BUREL, BAPTISTE CHEDOTE ET FARAH TADLOUI, PHOTOS : MILUMBE HAIMBE, ILLUSTRATION : MILUMBE HAIMBE.

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